1ère partie
Edouard Berneuil avance deux hypothèses sur l’origine du nom de la rue Carnot : « En souvenir de l’organisateur de la Victoire en 1793 (Lazare Carnot),à moins que ce ne soit celui de son petit-fils Sadi, on n’a jamais su au juste. »
Il a fallu quatre séances du conseil municipal pour arriver à se mettre d’accord pour savoir quelle rue de Pontoise porterait le nom de Carnot.
Petit rappel historique
François-Marie Sadi Carnot est né à Limoges le 11 août 1837. Reçu cinquième à l’Ecole Polytechnique en 1857, il entre en 1860 à l’Ecole des Ponts et Chaussées dont il sortira major en 1863. D’abord secrétaire adjoint au Conseil Supérieur des Ponts et Chaussées, puis ingénieur en chef de la Haute-Savoie, il est nommé préfet de la Seine-Inférieure (actuelle Seine Maritime) en 1871 après la chute du Second Empire. Il est élu député de la Côte d’Or la même année.
Sous secrétaire d’Etat aux Travaux publics, puis Ministre des Travaux publics, il devient Ministre des Finances en 1885. Suite à la démission du Président de la République, Jules Grévy, mis en cause dans le scandale des décorations, Sadi Carnot est élu Président le 3 décembre 1887.
Le début de son mandat est marqué par l’agitation boulangiste (il signe le décret mettant à la retraite d’office le Général Boulanger), par le ralliement de nombreux catholiques au régime républicain (1890) et le scandale de Panama. Le Président du Conseil, Casimir Perier, venait de faire voter les lois réprimant l’agitation syndicale et anarchiste quand Carnot fut assassiné par l’anarchiste Caserio à Lyon le 24 juin 1894 lors de l’exposition de Lyon. Il est enterré au Panthéon aux côtés de Lazare Carnot, son grand-père.
Débats au conseil municipal
Dès le 28 juin 1894, le conseil municipal de Pontoise rend hommage au Président défunt par une lettre de condoléances envoyée à son épouse. Un service funèbre est célébré en l’église Saint-Maclou en présence de l’archiprêtre, le samedi 30 juin à 10 heures.
Une délégation du conseil municipal, parmi lesquels le maire, les adjoints et six conseillers municipaux est désignée pour représenter la ville lors des obsèques du Président. Le conseil ne manque pas de féliciter le nouveau Président de la République élu, Casimir Périer.
Lors du conseil suivant, le 12 juillet, Monsieur Guillard, conseiller municipal, propose que le nom d’une rue de la ville soit donnée au Président Carnot. Il avance le boulevard des Fossés (actuel boulevard Jean-Jaurès), mais des conseillers ne sont pas de cet avis.
Monsieur Chennevière considère « qu’une ville doit s’inspirer dans le choix des noms de ses rues ou boulevards de son histoire locale, des citoyens qui l’ont illustrée ou qui lui ont rendus des services, ou des faits historiques qui la touchent directement, de façon qu’au regard des étrangers qui la visitent et de ses habitants, elle conserve la physionomie et le caractère qui lui sont particuliers et qui la distingue des autres villes ».
Monsieur Chennevière rajoute qu’au « lieu des rues de Thiers, Victor Hugo, Gambetta ou Carnot, il préférerait lire à Pontoise les rues de la Ligue, des Arquebusiers, etc. ».
Dans la foulée, il propose le nom de Le Charpentier, “enfant de Pontoise et fondateur de la Société historique” pour l’ancienne rue du Château Hanneton. La proposition de Monsieur Guillard est cependant adoptée à l’unanimité.
Archives municipales de Pontoise, délibérations du conseil municipal 1893-1895 et 1895-1896, cotes 1D37 et 38. Edouard Berneuil, PON9
2ème partie
On n’est toujours pas d’accord
Nouvelle réunion du conseil municipal le 8 novembre suivant et coup de théâtre !
Le Conseil décide d’abandonner le projet de donner le nom de Carnot au boulevard des Fossés. Il rejette aussi le nom de Carnot pour la place de la Gare, proposé par un autre conseiller municipal.
La commission municipale propose alors comme changement de nom la rue du Vert Buisson en rue Carnot.
Les débats, (6 pages de registre manuscrites !) fructueux et animés, amènent le conseil à réviser les noms de rues de la ville en décidant de nouvelles dénominations : “on conservera, argumente un conseiller, le caractère local voulu par le Conseil et la Commission”.
Des pétitions circulent, émanant d’habitants de toute la ville et du quartier de l’Hermitage, pour donner le nom de Tavet à la rue Sainte Honorine et Maria Deraismes, près du voisinage des Mathurins, où elle vécut une partie de sa vie.
Certains conseillers émettent des réserves pour que la rue du Vert Buisson devienne rue Carnot : “Cette proposition est trop modeste pour perpétuer le souvenir du regretté Président, si juste, si intègre, qui est tombé sous le couteau d’un assassin étranger, et pour rendre hommage en même temps au grand génie de 1793 (Lazare Carnot), qui sauva la France de l’invasion étrangère”, argumente un conseiller.
On se met d’accord
Le conseil prend la décision suivante : la place de la Gare s’appellera désormais place Carnot et une partie de la rue du Vert Buisson, rue Carnot.
Par ailleurs, la sente du Château Hanneton prendra le nom de Le Charpentier, l’impasse Sainte Honorine devient impasse Tavet (et non Tavet Delacour comme cela avait été demandé au départ). Le conseil autorise en même temps l’érection du buste de Maria Deraismes à l’angle de la rue de l’Hermitage et de la rue Vieille de l’Hermitage.
Décision finale
La dénomination de la place de la Gare comme place Carnot est abandonnée, le Conseil pense que deux endroits portant le même nom prêterait à confusion.
Dans sa séance du 22 juin 1895, il prend acte du décret présidentiel autorisant l’appellation “rue Carnot” de l’ancienne rue du Vert Buisson . Quant à savoir si c’est Sadi ou Lazare, le mystère demeure...
Délibérations du Conseil municipal 1893-1895 et 1895-1896, cotes 1D37 et 38.
Edouard Berneuil, PON9.